Maxi Basket n°225, juillet 2001... Interview de Pascal Legendre... |
"J'aime sentir me pousser des ailes"
Maxi Basket n°225, juillet 2001 - Propos recueillis par Pascal Legendre
Il y a son palmarès, épais comme
un T.bone steak, sa façon inégalée de galvaniser les énergies,
sa science du jeu, sa faconde, mais finalement la plus belle victoire de Yannick
Souvré est de démontrer quune fille peut être, à
loccasion, encore plus passionnée de basket que les garçons.
Depuis des années, tu milites pour que le basket féminin soit davantage médiatisé. As-tu été rassasiée durant les semaines qui ont suivi votre troisième titre de championne dEurope ?
Je nai pas limpression de militer, de faire du syndicalisme. Cest un terme que je naime pas. Rassasiée ? Ma petite personne sans doute un peu car déjà jétais fatiguée après notre titre et jai du monter à Paris pour quelques interventions, et je ne me suis pas entraînée une fois de la semaine qui a suivi le Final Four. Rassasiée pour mon sport, non. Je ny serai pas tant que le basket naura pas retrouvé la position quil avait dans les années quatre-vingts. Cest à dire, à mon avis, de deuxième sport national.
Comment as-tu jonglé entre les interventions médiatiques, les cérémonies diverses à Bourges, les deux entraînements quotidiens, les déplacements, et ton boulot à temps partiel à EDF-GDF ?
Je pense quil y pas mal de sportifs qui vivent ça : beaucoup de choses différentes en peu de temps. Si je comprends bien la question, cest comment ai-je fait pour continuer à me motiver le samedi suivant pour un quart de finale de Coupe de France contre Nice ? Deux choses. Sur le plan purement individuel, comme je suis très loin de faire ce que jaimerais, il faut que je sois à 110% pour espérer prouver à la fille qui est en face de moi que je suis meilleure quelle. Deuxièmement, collectivement, quand tu viens dêtre championnes dEurope, tu as un statut à défendre. Tu ne peux pas ne pas faire leffort pour gagner.
Toutes ces sollicitations nont donc pas perturbée la belle mécanique de léquipe ?
Ce qui nous a davantage perturbées, cest la fatigue, la grande coupure qui a eu lieu à la mi-mai, et qui explique sans doute pourquoi on a pris un 23-0 dans le premier quart-temps à Aix-en-Provence. Finalement, on avait déjà été pas mal sollicitées après notre deuxième titre européen obtenu à Bourges. Et puis, je ne me sens pas atteinte par cette vague médiatique, je ne perds pas la notion de la réalité. Il ne faut pas exagérer cette reconnaissance. Nous sommes allées à Paris, Johanna (Boutet) et Cathy (Melain), à loccasion du Final Four de la Suproleague, et cinq personnes nous ont reconnues. Cinq ! Il y a deux ans, avec Anna (Kotocova) et Cathy, on avait été reconnues par deux gars de Lyon. Il y a donc un progrès. Mais, je ne vais quand même pas perdre la tête parce que cinq personnes mont reconnue dans la rue !
Quas-tu fait comme interventions dans les jours qui ont suivi ce titre ?
Au téléphone, beaucoup. Presse, radios. Doriginal, disons Tout le Sport, France Soir. Je suis montée à Paris pour être linvitée de la semaine sur LEquipe TV, pour une interview sur Eurosport, un « chat » sur Sporever. Je suis passée chez Ardisson sur France 2 et également sur Pathé Sport pour Coté Tribune. On ma proposée aussi de faire Fort Boyard, mais cest pendant les finales du championnat de France, et en plus je ne suis pas une fana des araignées ! Jai aussi reçue une troisième lettre de félicitations du Président de la République et une de lArchevêque de Bourges. Après le titre de 98, nous étions passées dans Paris Match, pas là, et avant daller aux JO, nous avions fait aussi pas mal de trucs.
Tu crois que tu es perçue comme a) celle qui accepte de jouer son rôle de leader pour le bien être de tout le monde ? b) celle qui accapare les feux de la rampe pour flatter son ego ? c) celle qui dérange en bousculant les idées reçues ?
Les trois. Ceux qui me connaissent bien répondront « a ». Ceux qui ne maiment pas « b ». Et les médias répondront « c ». Il y a quelque chose qui me colle à la peau du côté des médias depuis le Final Four à Bourges. Javais dit aux journalistes : « nous sommes championnes dEurope pour la seconde fois. Maintenant, il faudra parler de nous ». Cette étiquette de « rebelle », de « râleuse », de « fille qui en na jamais assez » me colle depuis à la peau. La question classique que lon me pose, cest « vous êtes grande gueule, et alors que voulez-vous » Donc, le « petit c » va très bien pour les journalistes.
Ton nom est associé à celui de Bourges, à ses titres, nes-tu pas dans la peau de Goliath, de celle que lon veut voir enfin chuter ?
Je trouve ça normal que les gens aient envie de nous battre. Quand je joue les Américaines, ce sont les meilleures du monde, et jai bien entendu envie de les gagner encore plus que nimporte quelle autre équipe. Que ça motive des gens de nous battre, cest sain. Ce qui me gêne un tout petit peu, cest quand on a le sentiment que des détracteurs essayent de casser le club, dans Bourges même. Ils ont envie que lon chute par pure jalousie et non pas par plaisir de se dire « on a battu les championnes dEurope ». Là, cest malsain, ça implique des attitudes néfastes. Jentends aussi parfois des réflexions « ah ! oui, Bourges a déjà tout gagné, etc. » Jai envie de répondre : « on ne va quand même pas faire exprès de perdre pour vous faire plaisir ».
Tu es capitaine de Bourges, de léquipe de France, tu es présidente de lassociation des basketteuses, tu regardes tous les matches à la télé, et quand tu as un week-end de libre, cest pour aller voir le Final Four à Paris. Il y a très peu de gens aussi passionnés de basket que toi et encore moins de filles. Quest-ce qui a fait que tu as consacré ta vie au basket ?
Deux choses. Au début, cest lamour du basket et ce quil procure. Je lai vécu très tôt. Je nai pas connu mon père joueur (André Souvré a notamment porté le maillot du Paris UC dans les années 60), mais après il a continué à faire des matches et des fêtes entre anciens internationaux. Je ne vais pas déblatérer sur lamour que je porte au basket, sinon il y en aurait pour trois heures Je dirai que maintenant, en plus, cest tout le côté psychologique lié à un sport collectif qui me plaît. Quest ce qui me motive après tous ces titres ? Cest de recréer un collectif, de rencontrer de nouvelles joueuses, dapprendre à les connaître, à jouer avec elles. Cest le côté humain. Quand je vois le Final Four des garçons, jobserve laspect technique, mais aussi tous les à côtés, le comportement dObradovic, les attitudes des joueurs. Ça me motive pour mon propre jeu.
Est-ce que tu as le sentiment davoir fait des sacrifices (loisirs, vie sentimentale, familiale, carrière professionnelle ) pour arriver au niveau sportif où tu es ?
Aucun sacrifice scolaire ! (Elle se marre). Je ne suis pas persuadée que je serais allée beaucoup plus haut si je navais pas fait de basket. Jai fait des concessions, un mot que je préfère à sacrifice, mais consciemment, et je ne regrette rien. Je ne vais pas me retourner dans vingt ans et me dire : « je naurais pas dû faire ça jaurais dû arrêter plus tôt. » Au delà des titres, jai eu beaucoup de chances dans ma carrière. Daller à Paris car jai pu intégrer, par le biais du Racing Paris Basket, la seule école existante en France qui ma permis davoir une équivalence BTS. De là, je quitte Paris, je manque daller à Valenciennes, et finalement la dernière semaine avant la fin des mutations, je vais à Rouen. Je baisse de niveau, mais coup de chance, jai fait une bonne année de basket et jai pu conclure un bac +3. Oui, jai fait des concessions en matière de vie familiale, sentimentale et denfants. Toutes mes amies, ma sur comprise, ont ou vont avoir des enfants. Cest le plus dur à assumer actuellement. Lhorloge biologique fait tic-tac. Jai eu une période où jai gambergé sur laprès-basket et, comme je le dis souvent, entrer à EDF ma enlevée un gros poids psychologique.
Le problème de la maternité est finalement ce qui différenciera toujours une basketteuse dun basketteur de haut niveau ?
Oui, mais la reconversion aussi. A niveau égal sentend. Un gars de Pro B aura le même problème que moi. Mais si tu prends Cathy Melain et Antoine Rigaudeau, ils sont au top européen tous les deux, mais ils ne sont pas dans la même situation financière.
On a limpression que tu as une énergie qui jamais ne séteint, que tu as la faculté dentraîner les autres dans tes projets et que jamais tu ne craques mentalement. Est-ce la réalité ?
Je suis très nerveuse, ce qui nest pas toujours positif, mais il est possible, effectivement, que jai plus de dynamisme que la moyenne. Quelque part, je suis un leader donc, jessaye dentraîner les gens dans ce que je crois, mais je ne suis pas toujours suivie, pas toujours bien comprise Oui, je craque. Mais je nextériorise pas ce genre démotion. Jai beaucoup de mal à pleurer en public. Pour moi, craquer cest être faible, et jaime sentir me pousser des ailes, toujours avancer. Mais, bon, je craque de temps en temps, et, il y a quelques années, jai craqué une fois très fortement( )
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"J'ai appris à ne pas montrer les moments de doute"
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Comment fait la Yannick Souvré volubile et extravertie en dehors du
terrain pour avoir un regard figé, sans émotion, dès quelle
a une balle de basket en mains ?
Cest marrant car mon père trouve au contraire que jai trop démotions sur un terrain. Et, effectivement, quand je revois mes matches en vidéo, jaimerais avoir beaucoup plus le masque, être imperturbable vis à vis de larbitrage, par exemple. Brian Howard et Bill Edwards sont toujours placides. A trop en avoir, tu peux être dépassée par tes émotions. Ceci dit, quand je suis sur le terrain, je suis hyper concentrée. Je ne vois pas ce qui est autour. Quand les filles disent « on a vu untel qui était dans les tribunes », moi je nai rien vu du tout. Jentends le public, mais cest vague comme bruit. Mais donc, jai limpression que lon peut trop facilement lire sur mon visage ce que je ressens. Le seul truc que je ne montre pas, ce sont les moments de doute, surtout collectifs. Jai appris à ne pas les montrer. Merci Vadim Kapranov (NDLR : lancien coach russe de Bourges) !
Ton style est en adéquation avec le basket féminin qui prône des systèmes de jeu sophistiqués, un collectif parfait. Tu excelles à mener la baguette de chef dorchestre. Tu sembles aimer cet aspect « boy scouts », la vie en groupe. La notion damitié existe-t-elle toujours dans le basket féminin ?
Je le crois, même si parfois je ne suis pas toujours réaliste et que je peux prendre des claques, et même si je sais que cest de moins en moins vrai. Mais cette saison en est une preuve: de bonnes relations dans un groupe, lesprit famille, peuvent être le petit plus qui permet daider à gagner. De façon globale, est-ce que ça existe encore ou est-ce que jai envie dy croire ? Je ne suis pas certaine de faire la distinction.
Est-ce que lon peut dire que lamitié qui vous unie Cathy Melain, Anna Kotocova et toi est responsable pour une large part de vos trois titres de championne dEurope ?
Cest résumer un peu trop facilement la réussite de ces équipes. De grandes joueuses sont venues à Bourges, des Nemcova, des Santaniello, des Fijalkowski. Mais, par contre, le fait que lon soit amies, cest dû au fait que lon soit sur la même longueur dondes quant aux principes, aux valeurs de la vie en général. Et donc, ça se ressent sur un terrain de basket. Si Bourges a toujours été au plus haut niveau, malgré le renouvellement de joueuses, je pense que ce trio a fortement contribué à ça. Je le dis un peu gênée Ca ne fait pas très humble. Mais je le dis car cest une discussion que lon a eu avec certaines de mes coéquipières, qui ne sont pas Anna et Cathy. Elles disaient que, si les deux partaient, puisquà lépoque on ne savait pas encore que Cathy allait re-signer, cétait une sacrée page qui allait se tourner car elles ne seraient plus là pour faire perdurer les résultats de Bourges. Les titres ne sont pas à mettre au crédit de ce trio, mais ce trio a permis à Bourges dêtre toujours à haut niveau. Faire une équipe, ce nest pas seulement mettre ensemble des talents individuels. Ce qui fait gagner, cest la cohésion. On a gagné car, quel que soit les joueuses de talent, on a réussi à recréer une mentalité qui fait gagner. Vadim Kapranov a été le détonateur, mais il a réussi aussi car il avait en face de lui des gens qui étaient prêts à lécouter et à transmettre son message. Dailleurs, Vadim sest toujours battu pour que nous restions à Bourges, Cathy, Anna et moi.
Cet esprit de corps ne risque-t-il pas de disparaître, sachant que la WNBA prend des joueuses dans le championnat de France en pleine saison, et que les futurs règlements de la ligue vont permettre de prendre des « pigistes ». Une notion qui va à lencontre des principes de réussite de Bourges ?
On risque davoir des filles qui seront plus mercenaires. Un pigiste, ça court le cachet. Ca existe dans beaucoup de métiers, dans dautres sports. Tu peux te donner à 100% pour un club pendant quinze jours, mais tu nauras pas lesprit et lâme de quelquun qui a tout donné pendant des années. Ceci dit, tout dépendra du choix des dirigeants dans le recrutement des joueuses. Michelle VanGorp a donné 110%, et on a tous été très peinés quelle parte, elle aussi. Est-ce que les gens seront capables de tout donner sachant quils ont un contrat ici et quils en auront un autre un peu plus tard là-bas ? Quand javais 20 ans, je croyais que lon ne pouvait gagner que si on sentendait toutes bien ensemble. Faux. Il faut simplement que tout le monde ait le même objectif. Donc, si la pigiste vient avec cet objectif, et pas celui de briller individuellement, ça va.
Cest par goût ou par obligation que tu prends peu de shoots dans un match ?
Cest par faiblesse.
Pourquoi tes-tu présentée à lélection au comité directeur de la FFBB ?
Jai envie de voir de lintérieur la
fédération du sport que je pratique depuis quinze ans.
Et la FIBA ?
Le président de la fédération (NDLR : Yvan Mainini) ma proposée pour une sélection afin de représenter le basket français. Il y avait plusieurs femmes candidates. Jai été retenue pour cette commission des athlètes. Ça me fait plaisir de rencontrer de grands noms du basket (NDLR : Dino Meneghin, Stanislav Kropilak, Emiliano Rodriguez, Sergueï Tarakanov), mais pour linstant, il ny a rien eu de concret. La première réunion est prévue en septembre à Istanbul, pendant lEuro des garçons.
On sent un vent nouveau au sein de la Ligue Féminine. Que penses-tu, par exemple, du projet de faire faire des maillots uniformisés pour avoir un signe de reconnaissance ?
Oui, il y a un vent nouveau, à mettre au crédit de Jean-Pierre Siutat et de quelques personnes qui sinvestissent dans le basket féminin. Lidentité de la ligue peut effectivement passer par luniforme de match. Maintenant, les équipementiers sportifs nont pas encore planché là-dessus et, il ne faut pas oublier que lon est là pour faire une performance sportive et non pas uniquement esthétique. Il y a quelque chose à faire de mieux, de plus féminin, de plus saillant, mais surtout il ne faut pas tomber dans lultra-sexy, le racoleur.
Est-ce que tu as limpression, depuis tes débuts à haut niveau, il y a quinze ans, que le regard des hommes a changé sur le basket féminin ?
Cest clair. Les yeux de la société en général. La basketteuse avait limage dune grande complexée. Il ne faut pas oublier que vivre avec 1.95m, ce nest pas toujours facile. Le regard et la basketteuse ont bien évolué.
Est-ce quil y a encore des gens qui disent : « ce sont des gonzesses, ça ne vaut rien ! »
Ils ne me le disent pas en face en tous les cas ! Ils nosent pas sans doute. Il y a probablement dans les gradins de Bourges des commentaires désobligeants sur certaines joueuses, à cause de leur taille ou de leur physique, mais la réputation, létiquette ont changé. Une basketteuse reste « la grande », mais elle est davantage acceptée car elle sassume, elle a la notoriété.
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"L'accumulation des résultats fait croire aux gens que c'est facile"
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Quand, au cur de lhiver, Bourges a terminé 3e de sa poule dEuroligue, as-tu senti quil y avait lombre dune chance dêtre championnes dEurope en avril?
Jétais à mille lieux de penser que nous puissions aller au Final Four, et à 300.000 de croire que nous allions être championnes dEurope. Et jétais très inquiète, me disant que lon pouvait même ne pas se qualifier pour la prochaine édition de lEuroligue. La pire période, ce fut novembre-janvier. On perd à Istanbul alors quon a je ne sais plus combien de points davance. Dramatique. On jouait un basket hyper-mauvais. On sest remis au boulot en janvier. Le gros déclic, cest Ruzomberok. Elles ont gagné sans moi là-bas. On assure au retour, et on commence à revivre malgré la défaite à Aix-en-Provence, qui, elle, ma inquiétée pour, jen parlais, la qualification en Euroligue. Cest une énorme pression de devoir se qualifier en Euroligue, pour ce que ça représente individuellement, mais aussi pour le club. Il nen serait pas mort, mais ça aurait fait mal.
Est-ce que tu as entendu des critiques dirent « à Bourges, elles sont vieilles, elles sont cramées » ?
Je crois que notre première victoire contre Valenciennes (NDLR : 81-60, le 2 décembre) a fait que les gens se sont dits : « elles sont peut-être vieilles, mais il faudra encore compter sur elles. » Cest vrai quaprès la victoire au Final Four, nous avons pensé à ce type de remarque. Nous, cest à dire les joueuses, mais aussi le club, qui par ses choix était indirectement attaqué par ces commentaires.
Ça te transcende ce type de critiques ?
Oui, ça me fait rire et ça me motive. Mais cest juste une motivation supplémentaire, pas la numéro 1.
Etes-vous revenues épuisées de Sydney ?
Pas sur le moment. Il est certain que lorsque tu reviens après une compétition comme les JO, tu nas pas besoin de faire de préparation physique, tu es stimulée. Cest maintenant que lon a le contre-coup. Je suis sûre que cest pareil pour Valenciennes. Tu attends les vacances avec impatience.
Quen est-il de tes problèmes récurrents au dos ?
Jai des problèmes au dos depuis lâge de quinze ans et jai eu ma première crise à Paris, à vingt ans. Jai un début dhernie discale qui mamène des lumbagos. Quand jai une crise, cest repos. Je peux avoir six mois sans rien, et plus la fatigue vient et plus cest propice. Ça prend à chaque fois des formes différentes, mais je nai pas plus de crises quavant.
Que penses-tu de la possibilité offerte aux meilleures joueuses denchaîner, dans la même saison, championnat de France, Euroligue, WNBA et équipe nationale ?
Je nai quun mot : danger ! Cest certainement très stimulant, mais le corps humain ne peut subir ça. Les exemples commencent à samonceler dramatiquement. Je pense à Eva Nemcova (NDLR : ex-Tchèque de Bourges). Cest inhumain, et il ne faudrait pas quon en arrive à des extrêmes, au dopage.
Quel choix sera fait par les joueuses de la génération qui arrive ?
Cest clair : la WNBA au maximum. Il va falloir que la FIBA réagisse. Elle fait comme si la WNBA nexistait pas.
Tu préconises quoi ?
Je sais quon ne peut pas résumer un championnat national à six mois et se contenter de quinze jours de préparation pour les équipes nationales. Je sais aussi que la WNBA est super-puissante. Donc, cest problématique. Et ce sont les équipes nationales qui trinquent. Les Russes et les Espagnoles, qui sont susceptibles dêtre championnes dEurope, sont touchées par le phénomène et auront une préparation extrêmement courte. Si les filles sont dans une équipe qui finira sa saison le 20 août, ça leur laissera un petit mois de préparation. Mais si elles sont en course jusquau 15 septembre, ça veut dire onze jours de préparation, pas un de plus. Ce qui est certain, cest quil faut que la FIBA et la NBA sassoient autour dune table mais je sais que ce nest pas un problème pour la WNBA que les filles en Europe fassent trop de matches dans lannée.
Il existe une grande rivalité entre Bourges et Valenciennes
(Elle coupe) Pas plus quentre Limoges et Pau de la grande époque ! Nous, ce qui fait quil y a une rivalité, cest que cest la sixième fois que nous sommes ensemble en finale, plus deux participations communes au Final Four. Rien de plus.
Cest positif pour léquipe nationale ou est-ce plus difficile de faire uvre commune alors quon a été dintenses adversaires pendant toute une saison ?
A mon point de vue, ça stimule. Il y a eu pas mal déchanges entre les deux clubs. Audrey (Sauret) est passée de Valenciennes à Bourges avant de retourner là-bas. Isabelle (Fijalkowski) a fait Bourges-Valenciennes. Johanna (Boutet) et Laëtitia (Moussard) ont fait le chemin inverse. Je nai pas en tête beaucoup de Palois qui ont été joués à Limoges, ni de Limougeauds qui sont passés à Pau.
On demande tout de même beaucoup aux internationales avec des stages très longs, alors que les garçons, au bout de quinze jours, ne supportent déjà plus la vie commune. Avant les JO, ce nétait pas tout de même un peu Loft Story au sein de léquipe de France féminine ?
Non. Les filles sont moins persuadées que les garçons quelles peuvent faire la différence individuellement. On sait quon a besoin dun collectif pour gagner, et cela fait que nous sommes prêtes à accepter beaucoup de choses. Et la grosse évolution, cest que, même si on nest pas toutes les meilleures amies du monde, on a tellement envie de gagner que lon accepte de faire dénormes concessions pour le résultat final.
Qui vous observe est quand même impressionné par le fait quil ny a pas une tête qui dépasse
Ecoutes, à lécole, les instituteurs disent toujours que les filles, même si elles sont plus bavardes, sont les plus sérieuses. Ils ont moins de problèmes de discipline quavec les garçons. Cest sans doute dans les gênes. Ce que je veux dire sur la préparation olympique, cest que personne, ni les joueuses, ni les entraîneurs, nétait allé aux Jeux auparavant. On a donc servi en quelque sorte de cobayes. Toutes les équipes européennes ont commencé cette préparation avant nous. Donc, quand jentends des gens dire « cest inadmissible de faire une préparation aussi longue », je réponds « vous saviez vous, ce quil fallait faire, vous ? » Si on sest trompé, on nest pas les seuls. Des enseignements ont été tirés. Il ne faut pas aller plus loin que ce quun groupe peut subir, physiquement mais aussi psychologiquement. La durée fait que, même si on est des femmes et bien disciplinées, ça peut être difficile à vivre.
Comment expliques-tu le fait quaux Jeux Olympiques, vous soyez toutes allées à la cérémonie douverture, sauf Audrey Sauret qui était blessée, alors que la plupart des garçons sont restés dans leurs chambres ?
Les garçons sont sans doute plus routiniers que nous. Ils abordent les événements plus relax. Nous, cest toujours plein démotions. Cest bien car ça stimule. Mais cest aussi pour ça quon a été submergées en quarts de finale contre la Corée. Lorsque lon a gagné notre ticket pour Sydney lors de lEuro en Pologne, cétait pour nous une reconnaissance dappartenir à lélite mondiale et laboutissement dun énorme travail. Pour moi, les Jeux, cétait loccasion dassister à la cérémonie douverture, de côtoyer des sportifs que japprécie énormément. Jai fait cinq ans de gym, trois ans de tennis, jaime ce milieu. Alors pourquoi voulait-on davantage assister à cette cérémonie ? Peut-être parce quon est moins professionnels dans lâme. Peut-être que pour les garçons, lévénement, cétait uniquement le tournoi de basket, alors que pour nous la cérémonie douverture faisait partie de cet événement.
Vous êtes donc quelque part « trop » affectives ?
Cest ce que nous a reprochées Alain Jardel, en disant que nous étions comme des midinettes à vouloir croiser une star. On en est encore là. Peut-être aussi parce quon est moins stars, justement. Si Antoine Rigaudeau rencontre Eva Serrano de la gymnastique rythmique, ça lui procurera peut-être moins démotions que moi, qui sait lemblème que cest pour son sport.
"2 ou 3e à l'Euro, ça ne saurait être un mauvais résultat"
Vous êtes finalistes de lEuro et première nation européenne
aux JO. Deux clubs français sont par ailleurs en finale de lEuroligue.
La France organise lEuro. Il est tentant de faire de léquipe
de France la favorite. Est-ce aussi mathématique ?
La Russie est en train de se métamorphoser avec le retour de Vadim Kapranov et larrivée de nouvelles joueuses dont Ilona Korstine. Elle sera dure à battre. Que les médias nous mettent favorites, cest normal considérant nos résultats. Mais le sport, ce nest pas 1+1=2. Et cest son charme. Il peut y avoir les blessures, on nest pas certain de pouvoir reconstruire le même groupe. Il y a la Russie, lEspagne va revenir, il faudra faire attention à la Pologne, à la Yougoslavie. Si on finit 2e ou 3e, ça ne saurait être un mauvais résultat.
Mais on est devenu extrêmement exigeants alors quil y a quatre ans, léquipe de France ne valait rien ?
Cest pour cela, quand on nous met archi-favorites, que nous avons envie de calmer cette effervescence. Le degré dexigence est haut car laccumulation de résultats fait croire aux gens que cest facile. Et ce nest pas aussi simple que ça. A Bourges, cette année, les gens ne comprenaient pas quon ne réussisse pas. Il y a avait pourtant de bonnes raisons que lon soit en difficulté.
Tu habites dans le même immeuble quAnna Kotocova, qui était la capitaine de la Slovaquie à lEuro 99 et aux JO, et tu es aussi léquipière de Ilona Korstine, qui sera avec la Russie à lEuro en septembre. Ca doit être pénible de les retrouver face à toi en équipes nationales ?
Des connaissances, des copines, jai lhabitude den rencontrer. Mais jai beaucoup de mal à jouer contre des amies. Jai eu horreur de jouer contre Anna. Jaurais beaucoup de mal à jouer contre Cathy. Heureusement que Anna est pivot et moi meneuse. Cest à peine si on seffleure sur le terrain. Quand on a gagné deux fois facilement en Pologne contre la Slovaquie, jétais contente bien sûr mais aussi peinée de voir une amie qui, à côté, souffre. Une amitié qui dure depuis sept ans comme celle avec Anna ne peut pas être sans incidence derrière. Cette année le problème ne se posera pas puisquAnna sera sur le banc de la Slovaquie, comme assistante-coach.
Ilona Kostine, cest différent dans le sens quelle aurait pu se retrouver avec vous, en équipe de France ?
Il fallait quelle attende un peu, elle nétait pas certaine que la procédure aboutisse. Je comprends quelle ait eu envie de jouer de suite avec une équipe nationale. Elle aurait représenté un très gros plus pour léquipe de France.
Quest-ce qui se passe pour toi si léquipe de France est championne dEurope ?
Jai encore un contrat dun an avec Bourges et le championnat du monde de 2002 dans le viseur. Ce nest pas parce quon serait championnes dEurope ou du Monde que je machèterais une nouvelle voiture ou que jarrêterais ou non ma carrière. Mon avenir dans le basket nest pas lié à lobtention dun titre.